ANgrywOmeNYMOUS


jeudi 28 février 2013

"toutes vos femmes de ménage" (Despentes sur la presse, Iacub et Banon)


Qu’il y ait des meufs dans le 6earrondissement de Paris qui s’agitent volontiers sur les queues qui peuvent leur rapporter de l’argent : rien de neuf. S’il ne s’agissait que de désir, elles sortiraient de leur quartier. Qu’on vienne demander encore un effort aux citoyens, la classe moyenne aura bien quelques euros à débourser pour l‘Obs, pour Libé et pour Stock – le gogo, on le sait, s’attrape bien par la libido : rien de neuf. On ne donne jamais assez aux riches. La sensation pénible d’assister à la débâcle d’une cour en folie, toujours rien de neuf. L’ironie du sort, qui veut que l’homme mis en scène soit celui qui dirigea longtemps l’organisation qui a orchestré la dette, ce trait qu’on veut tirer sur toute utopie en hypothéquant nos futurs, n’a rien de neuf non plus.
Du côté de l’Obs, rien de bien neuf non plus, cette gauche-là tutoie les sommets. Et quand Joffrin consacre la « une » de son journal au livre de Iacub, ce n’est pas qu’il vient de découvrir les vertus de la presse façon Closer, c’est la littérature qui l’appelle. Il s’explique dans son petit édito : « Les qualités littéraires du livre étaient indiscutables. » Joffrin, on ne savait pas qu’il avait la faculté de trier ce qui entre en bibliothèque de ce qui part à la poubelle. On devrait faire appel à lui plus souvent, on s’épargnerait un tas de discussions oiseuses.
La littérature, pas la peine de s’en faire pour elle, en a vu d’autres, elle a toujours aussi servi les intérêts des boutiquiers et, si elle doit continuer d’avoir un sens, elle s’en remettra. Puisque le propre de la littérature, justement, est de prendre avec le temps une force que les plus calamiteuses entreprises de négoce ne devraient pouvoir saccager.
GARDES-CHIOURMES
Un parallèle, cependant, m’intrigue : qu’on se souvienne du silence pour le moins poli qui suivit quasi unanimement la publication du texte de Tristane Banon Le Bal des hypocrites (Au Diable Vauvert, 2011). A cette époque, les critiques littéraires se drapaient dans la dignité la plus offensée : ah non, ça, ce n’était pas de la littérature. Elle, ils l’ont vue venir et ils nous ont prévenus : voyeurisme, volonté pathétique de faire parler d’elle, petit texte sans importance. Les gardes-chiourmes étaient là, la pudeur brandie en bandoulière, pour s’assurer que la jeune auteure ne tirerait aucun bénéfice critique de son entreprise d’écriture. Mais, quand il s’agit des errements érotico-neuneus d’une bourgeoise mollement masochiste, on fait le tour des plateaux télé pour ameuter le chaland. Quand je lis dans Libé, sous la plume de Lançon, que Iacub, c’est un peu Sade qui rencontre Guibert, je demande quand même à ce qu’on m’explique pourquoi Banon n’a été pour personne Bret Easton Ellis qui rencontrait Joan Didion. Son texte à elle posait pourtant quelques questions intéressantes.
Par exemple, ce refus atypique du droit de cuissage, cette histoire de petite fille qui se débat quand on veut la prendre de force. Qui non seulement se sauve, mais encore décide de ne pas se taire, contre les conseils avisés de son milieu. Il y avait une petite transgression, là-dedans, un joli refus de se laisser faire, par deux fois. Ce courage-là, hors de question de le saluer. Banon, c’était le texte anecdotique d’une pauvre fille. Alors pourquoi Iacub est l’égérie féministe de la presse de gauche d’aujourd’hui ? De l’oeuvre de Iacub, on avait peine à retenir grand-chose, jusqu’alors, si ce n’est une obsession du genre : le viol ne serait qu’une vue de l’esprit, une confusion mentale, une soumission à la propagande féministe.
On sait que, vu du côté des hommes, les auteures ne sont jamais aussi intéressantes que quand elles décrivent ce qui leur passe entre les cuisses. On découvre aujourd’hui que c’est encore mieux si elles se soumettent aux diktats patriarcaux les plus éculés. Tant il est vrai que, vu d’une certaine gauche, qualifier l’immigrée de laide et de vulgaire, on ne s’en lassera jamais. Comme rappeler qu’une femme de pouvoir, telle Sinclair, émascule toujours l’homme qu’elle épouse. La gauche, elle aussi, est en passe de se décomplexer. Iacub est bien utile pour redire aux femmes quelle est leur place légitime : sous les reins des puissants, et aux pauvres, dans le même mouvement : la main au portefeuille, pour assister de loin aux partouzes des élites.
Ça aurait été plus direct et marrant, les gars, si vous vous étiez fait imprimer des tee-shirts « on est tous des trousseurs de domestiques » puisqu’au final c’est là que vous paraissez vouloir en venir, à tout prix. Une femme de chambre, ça ne devrait pas coûter aussi cher, le fond du problème c’est ça. La parole des pauvres, la gueulante des opprimés, même entendues de loin, visiblement vous gênent pour dîner entre vous, tranquilles. L’enthousiasme avec lequel vous venez nous dire qu’on devrait trouver tout ça formidable est quand même dur à avaler. Vous êtes peut-être tous des trousseurs de domestiques, mais vous devriez vous méfier du pénible arrière-goût que nous laisse, à la longue, l’impression d’être toutes vos femmes de ménage.


Sur le blog de mauvaise herbe

mardi 26 février 2013

Moche pourquoi ? Parce qu'elle ne met pas de mascara L'Oréal ?

(...)

Oui, je suis choquée quand je lis, sous la plume de Jérôme Garcin reprenant la vision de Iacub, DSK "grand consommateur de laiderons". De qui parle-t-on ? De Nafissatou Diallo ? Dont tout le monde a dit partout qu'elle était moche sans ressentir la moindre gêne en faisant passer dans sa bouche une telle idée.

Moche pourquoi ? Parce qu'elle ne met pas de mascara L'Oréal ? Moche comme une femme normale ? Moche comme une femme non mannequin ? Moche comme moi. Moche comme la plupart des femmes que je connais et avec qui je suis amie. Moche comme la femme de ces journalistes, qui estiment qu'un homme riche a les moyens de se payer un objet plus beau que ça.

Comment ça "grand consommateur de laiderons" ? Nous sommes toutes des laiderons. Je ne supporte plus qu'on ne parle pas des laiderons eux-mêmes, mais qu'on se passionne pour ceux qui les "consomment".

Relisons Jacques Brel : "Les bourgeois c'est comme les cochons/Plus ça devient vieux plus ça devient bête/Les bourgeois c'est comme les cochons/Plus ça devient vieux plus ça devient..." Ça c'est le refrain, dans le couplet il explique qu'il est avec l'ami Jojo et l'ami Pierre, "Jojo se prenait pour Voltaire et Pierre pour Casanova".
Marcela Iacub dit qu'elle se voit comme Voltaire éclairant, de ses lumières, la société.

(...)

Angot sur LeMonde.fr

jeudi 21 février 2013

C'est Marcela Iacub qui le dit ! (actualisé)

«Seul un cochon peut trouver normal qu'une misérable immigrée africaine lui taille une pipe sans aucune contrepartie, juste pour lui faire plaisir, juste pour rendre un humble hommage à sa puissance.»


Sur le Figaro.fr

Mis à part le fait que cette réflexion est spéciste (les cochons en tant qu'espèce n'ont rien à voir là-dedans), discriminatoire socialement ("misérable"), et romantise le viol ("un humble hommage à sa puissance") il y a bel et bien de l'aveu dans l'air. Mais c'est sans doute sous cette forme seulement que les journalistes (mâles bien sûr) peuvent apprécier un semblant de franchise. C'est sans doute ce qu'ils appellent "magistralement écrit". La romantisation des violences faites aux femmes, quel bonheur à lire !

Un excellent article sur les délires à la Marcela et la réception par la presse à lire ici.

jeudi 14 février 2013

one billion rising : Reeva Steenkamp massacrée à la saint Valentin (actualisé)

oscar reeva 2480873b Reeva Steenkamp, Olympian Oscar Pistorius Girlfriend, Was "An Angel On Earth"
oscar pistorius murder charge reeva steenkamp profile telegraph image by www.telegraph.co.uk





Défini à la radio comme un "fait divers" !
La "mort"(petits coeurs, petites fleurs) et non pas le "meurtre" de Reeva Steenkamp, n'est ce pas, n'a rien à voir avec ce genre de chose par exemple : 


 

(source de la photo du bas)

(Lire l'article)


ajout du soir :

Les titres sur internet rivalisent de stupidités sexistes :

Reeva Steenkamp, top model, morte sous les balles d'un champion ...

La classe ! Elle est morte sous les balles d'un CHAMPION, les gens ! Pas tuée par n'importe qui, hein ! Tuée par un SURHOMME ! Kikenveu aussi du meurtre par superman ? Vivre bêtement alors qu'on pourrait se faire tuer par un CHAMPION, les filles !!!!! Mais de quoi elle devrait se plaindre la meuf (si elle était encore en vie) ?

Reeva Steenkamp, l'ange perdu de Pistorius

 Il a perdu son ange le pauvre chéri ! Il est à plaindre, non ? C'est dur de perdre son ange quand même ! Au fait, comment il l'a perdu ? Nan, euh...c'est pas la question t'vois !

Affaire Pistorius. Reeva Steenkamp : décédée mais vedette d'un jeu ...

Ah bon ben si elle est vedette d'un jeu c'est pas si grave qu'elle soit morte (par hasard, précisons) !

(1million de fois le titre :)

Qui était Reeva Steenkamp, la compagne d'Oscar Pistorius ? 

Oui c'était qui cette meuf inconnue ? C'était qui celle-là d'abord ? Elle se serait pas tirée elle-même quatre balles dans le tête pour faire son intéressante, par hasard ?

Reeva Steenkamp, tuée "par erreur" par son petit ami Oscar .

Oh merde ! P'tain j'l'ai tué ! C'est pas de chance quand même ! Quatre balles dans la tête sans le faire exprès, dis donc !

Oscar Pistorius ''traumatisé'' : sa famille est ''sous le choc"

 Les pauvres chéris ! Tandis que la famille de Reeva Steenkamp, rien à cirer de ces gens qu'on connaît même pas ! Et la morte, elle est morte, alors, on va pas s'arrêter sur son cas, hein !  Le plus à plaindre c'est le tueur, bien sûr ! Enfin, est-ce possible qu'il y en ait qui ne comprenne pas cela ? Hein ? Hein ?

 CONSTERNANT

mercredi 13 février 2013

Sophie de Menthon renvoyée des "Grandes Gueules" : RMC rajoute du sexisme au sexisme

Sophie de Menthon renvoyée des "Grandes Gueules" : RMC rajoute du sexisme au sexisme

Modifié le 03-02-2013 à 09h02

Temps de lectureTemps de lecture : 4 minutes

LE PLUS. La radio RMC a pris la décision de priver de micro Sophie de Menthon. En cause : les propos qu'elle a tenus à l'antenne sur Nafissatou Diallo. Notre chroniqueuse Dom Bochel, qui l'avait fustigée pour ces remarques misogynes, se demande toutefois pourquoi la chroniqueuse est la seule à payer le prix de ce "dérapage".

Édité par Daphnée Leportois  Auteur parrainé par Aude Baron

La radio RMC s'est séparée de Sophie de Menthon, chroniqueuse au Grandes Gueules" (J.DEMARTHON/AFP).

La sanction est tombée hier, vendredi 1er février : la radio RMC a décidé de se séparer de l'un de ses chroniqueurs vedettes des "Grandes Gueules", Sophie de Menthon, suite à son "dérapage" sexiste à l'antenne au sujet de Nafissatou Diallo. (Pour ceux qui débarquent, c'est ici.)


Se dédouaner de toutes responsabilités

Frank Lanoux, directeur général de RMC, justifie ce renvoi par la rupture de confiance qui se serait installée entre la bientôt ex-chroniqueuse et l'équipe des "Grandes Gueules" de RMC.

Alain Marschall et Olivier Truchot, les deux animateurs des "Grandes Gueules", "savent – ce qu'ils ont fait avec Sophie de Menthon – dire publiquement que de tels propos ne peuvent pas être tenus. Enfin, ils savent présenter des excuses quand ils font des erreurs. Or, Sophie de Menthon s'est dédouanée de toutes responsabilités."

Il est vrai que Sophie de Menthon n'a pas jugé nécessaire de s'excuser des propos qu'elle a tenus avant d'y être quelque peu contrainte. Des excuses formulées sur Terrafemina neuf jours après les faits, dans lesquelles Sophie de Menthon s'en prenait surtout au buzz provoqué par ses paroles et reprenait l'éternelle excuse des propos sortis de leur contexte tout en tentant d'expliquer ce qu'elle avait réellement voulu dire.


Ces excuses-là n'ont pas été faites à l'antenne de RMC, mais sur un site n'ayant rien à voir. Elles sont arrivées trop tard et uniquement après le tollé général, ce qui a donné l'impression que Sophie de Menthon tentait par là un raccrochage aux branches de la plus belle facture.

La facture, Sophie de Menthon est bien la seule à la payer

Qu'on trouve ou non justifié le renvoi de Sophie de Menthon, qu'on revendique la liberté d'expression ou bien l'encadrement des propos tenus à leur antenne, qu'on soit heureux de ce renvoi ou qu'on s'en attriste, il revenait à RMC de prendre sa décision. Défendre leurs chroniqueurs, ou bien s'en séparer. Faire bloc, ou les priver d'antenne.

On peut s'étonner aussi du fait que RMC, qui visiblement n'approuve absolument pas les paroles prononcées ce 21 janvier, n'ait pas elle aussi présenté ses excuses à ses auditeurs.

On peut s'étonner encore plus que la même radio ait attendu, tout comme Sophie de Menthon, que le buzz enfle, que les reproches fusent et que le CSA se manifeste pour prendre cette décision.

Mais, surtout, on peut s'étonner que la seule à être sanctionnée soit Sophie de Menthon. Franck Tanguy, qui l'accompagnait dans cette histoire, lui, ne sera pas privé d'antenne.

Même Sophie de Menthon a tenu à prendre ses distances avec Franck Tanguy, oubliant, il est vrai, que c'est bien elle qui a commencé l'échange polémique.

Deux poids, deux mesures ?

Parce que Franck Tanguy saurait, lui, "présenter des excuses quand [il fait] des erreurs" tandis que Sophie de Menthon, elle, "s'est dédouanée de toutes responsabilités", l'un paye, pas l'autre.

Des excuses bien timides pourtant, et tout comme celles de Sophie de Menthon, bien tardives. Des excuses qu'on pourrait, si nous avions mauvais esprit (mais ce n'est pas le cas, bien sûr), penser quelque peu "téléphonées" par le tollé général qui a suivi les paroles évoquant le "conte de fées de Nafissatou Diallo".

RMC a beau jeu aujourd'hui de se séparer d'une chroniqueuse de longue date qui n'en est pas à son premier dérapage à l'antenne, ce qui a aussi participé à la notoriété de l'émission. RMC a encore plus beau jeu de fustiger la soi-disant absence d'excuses de Sophie de Menthon, tout en oubliant qu'elle-même s'en est abstenue et que celles de Franck Tanguy n'étaient pas particulièrement convaincantes ni convaincues.

RMC a également beau jeu de réagir dix jours après l'émission, après le "tohu-bohu" déclenché par celle-ci et surtout après que le CSA a pointé la misogynie des "Grandes Gueules" en mettant en demeure la radio pour "propos injurieux, misogynes, attentatoires à la dignité de la personne et à connotation raciste."

Sophie de Menthon, bouc émissaire ?

La radio en question, RMC, donne plutôt l'impression quelle se rachète ainsi une virginité à bon compte, sur le dos d'une Sophie de Menthon qu'on peut détester ou apprécier mais qui paye seule la douloureuse polémique, annonçant, lors de son passage au "Supplément" de Canal Plus, qu'elle allait fermer son compte Twitter après avoir reçu des milliers d'insultes.

"C'est notre rôle de remettre de temps à autre le clocher au milieu du village", explique encore Frank Lanoux. Possible, mais, dans l'histoire, il n'y en a qu'une qui s'est fait sonner les cloches.

On ne peut que se dire qu'au sexisme des propos tenus à leur antenne RMC rajoute ainsi un autre sexisme, celui de reconnaître à un homme le droit de l'être, mais pas à une femme.

Sur leplusnouvelobs.com

mercredi 6 février 2013

Les femmes noires éjectées de l'histoire de l'Amérique au cinéma

Le point commun entre «Django Unchained» et «Lincoln», c'est leur problème avec les femmes

Comment se fait-il que les nouveaux films de Tarantino et Spielberg ignorent à ce point l’œuvre accomplie par les femmes noires américaines pour obtenir leur liberté?

Gloria Reuben et Sally Field dans «Lincoln» de Steven Spielberg. - Gloria Reuben et Sally Field dans «Lincoln» de Steven Spielberg. -
[Avertissement: l'article suivant contient des spoilers de Django Unchained]
La sortie du dernier Tarantino, Django Unchained, un western spaghetti qui narre la revanche d’un esclave, bientôt suivi en France de la sortie du Lincoln de Spielberg, un biopic plus classique (aux Etats-Unis, le second est sorti avant le premier), permet aux spectateurs de se replonger, à un très court intervalle, dans une des périodes les plus sombres de l’histoire des Etats-Unis, qui soulève encore de nombreuses questions.
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Les Américains sont-ils en mesure d’être confrontés au racisme de l’un de leurs présidents les plus populaires? La vengeance ou le désir de réconciliation ont-ils présidé à la réintégration des Etats sécessionnistes du Sud –et des propriétaires d’esclaves– au sein de l’Union? Les propriétaires d’esclaves organisaient-ils vraiment sur leurs plantations des combats d’esclaves, jusqu’à la mort?

Keckley n'est qu'un faire-valoir

Mais une autre question est soulevée par ces films, de manière incidente: comment se fait-il qu’ils ignorent à ce point l’œuvre accomplie par les femmes noires américaines pour obtenir leur liberté? Lincoln dépeint les manœuvres d’un cabinet présidentiel et d’une législature intégralement masculins, avec, malgré tout, quelques interventions de la femme du président, Mary Todd Lincoln, qui font au moins sens sur le plan historique.
Mais tant Broomhilda (Kerry Washington), la femme captive de Django (Jamie Foxx) dans le dernier Tarantino, qu’Elizabeth Keckley (Gloria Reuben), la femme noire libre présentée comme la domestique de Mary Todd Lincoln dans le film de Spielberg, sont des personnages transparents et ne comptent finalement que pour motiver les hommes, Noirs ou Blancs, qui gravitent autour d’elles.
Dans la vraie vie, Keckley avait acheté sa liberté et celle de son fils, et après avoir demandé et obtenu un permis de travail à Washington D.C., elle commença une carrière de couturière qui décolla quand elle commença à travailler pour Mary Anna Curtis Lee, la femme du futur grand général confédéré Robert. E. Lee.
Keckley fit également des robes pour Mary Todd Lincoln et confectionnait ses toilettes pour les grands évènements; elle n’était pas une domestique. Trois ans après l’assassinat du président, Keckley publia des mémoires, intitulés Behind the Scenes, qui, tant dans ses descriptions des époux Lincoln qu’avec la publication de lettres que lui avait adressé Mary, brisaient les normes de l’intimité, sans parler de celles de race et de classe.
Cette histoire est fascinante, et rien n’en transparaît dans le film de Spielberg, si ce n’est le fait que Keckley a effectivement été une esclave. Au lieu d’être présentée comme l’agent de sa propre libération et comme une travailleuse indépendante, Keckley n’est qu’un faire-valoir de Mme Lincoln et sert, dans le film, à illustrer la vision pas si libérale que cela du président sur la question raciale quand il s’adresse à elle: «Je ne vous connais pas, Mme Keckley. Je ne connais personne de votre espèce, lui dit le président pour tenter de lui expliquer sa vision des Noirs américains. J’espère que je m’y ferai.»
Keckley se demande pourquoi elle doit se montrer encore plus exemplaire que toute mère dont le fils se bat pour l’Union. Lincoln n’a rien à lui répliquer et le film ne rend absolument pas justice à tout ce qu’elle a entrepris pour se libérer toute seule et bien avant que le président ne se soit lui-même intéressé à cette question.

Broomhilda, objet du désir des autres

Mais au moins, Keckley parle au président et est témoin du vote, au sein de la Chambre des représentants, du 13e amendement à la Constitution, qui interdit l’esclavage. Dans Django Unchained, Broomhilda est à peine une personne. La plupart du temps, nous ne la voyons que dans l’imagination de Django, nue et radieuse dans une source d’eau chaude en plein hiver ou envoûtante dans une robe de soie jaune. Dans les scènes plus réalistes, elle est fouettée, marqué au fer ou jetée dans une geôle en plein soleil –mais elle demeure toujours magnifique–, ce qui donne une autre dimension aux motivations de Django pour voler à son secours.
Certes, ce que nous dit aussi le film, c’est que, tandis que Django est en train de monter un plan épique pour la faire s’évader, elle monte sa propre tentative d’évasion. Mais Django Unchained s’intéresse davantage à elle en tant qu’objet de désir des autres qu’au courage qui la pousse à tenter de gagner sa liberté par ses propres moyens. Le film se termine avec une image d’elle, ses doigts bouchant ses oreilles tandis que son mari dynamite la demeure coloniale de la plantation où elle a été esclave.
Il est vrai, comme l’a écrit A.O. Scott du New York Times dans sa critique du film, que «l’idée qu’une violence régénérative puisse être utilisée par des Noirs contre des Blancs au lieu de l’inverse –qu’un homme comme Django devienne le chasseur au lieu d’être le traqué– était jusqu’alors littéralement impensable».
Mais ce qui est impensable dans des films est parfois moins ambitieux que ce qui se passe dans la vraie vie. Et ce n’est pas comme s’il n’existait pas d’histoires vraies et ambitieuses à raconter sur les femmes et la lutte contre l’esclavage. Si vous êtes plutôt intéressés par l’action, l’histoire de Harriet Tubman, qui travailla à l’élaboration d’une filière d’évasion pour les esclaves (le réseau dit Underground Railroad), puis comme éclaireur et conseiller tactique pour l’Union, semble un bon point de départ.
Alyssa Rosenberg
Traduit par Antoine Bourguilleau

Sur Slate.fr